Queensrÿche
The Verdict
Produit par Chris "Zeuss" Harris
1- Blood of the Levant / 2- Man the Machine / 3- Light-Years / 4- Inside Out / 5- Propaganda Fashion / 6- Dark Reverie / 7- Bent / 8- Inner Unrest / 9- Launder the Conscience / 10- Portrait
Petite note pour rassurer les lecteurs : promesse est faite de ne pas terminer la chronique par une phrase du style "Verdict : cet album est excellent / mauvais". Ce jeu de mots avec le titre de l’album, trop prévisible, serait de mauvais goût et en ce sens, fort dispensable.
Comme beaucoup, c’est par l’étiquette accolée au groupe, celle de pionnier du metal-progressif, que j’ai été amené à me pencher sur la Reine du Reich. Operation Mindcrime bien sûr, mais ses successeurs avec plus ou moins de plaisir : sans être un grand connaisseur du groupe (quinze albums tout de même, et pas une carrière sans faute, hélas) ni un fan, mes oreilles ont quand même dégusté du Metal de Seattle. Suffisamment en tout cas pour accueillir avec une certaine hâte cette nouvelle fournée.
Petit aparté. Sans vouloir à aucun moment paraître adopter la pédanterie insupportable de certains amateurs de rock progressif – ce que je suis -, je dois avouer n’avoir jamais bien compris ce que Queensrÿche pouvait avoir de progressif si ce n’est à la marge ("Suite Sister Mercy" ou "Promise Land", dans une certaine mesure "Condition Human"), n’enlevant rien à la qualité de leurs compositions et à l’intelligence de certains albums. Alors, quand certains annoncent un retour au progressif pour cet opus, on ne peut qu’être dubitatif. Cela s’adresse surtout aux amateurs de rock progressif : n’attendez pas à écouter du Dream Theater ou du Sons of Apollo voire du Fates Warning (et encore, pour ceux-là, le débat est ouvert, d'autant que dans cet album il y a des similarités), groupes pour lesquels l’étiquette metal-progressif est réellement adaptée. Cette précision étant faite, lançons-nous dans l’exploration de cette nouvelle production : The Verdict.
Eh bien commençons par la question que tout le monde se pose : qu’y’a-t-il de progressif dans cet album ? Faisons preuve de bonne volonté et cherchons avec ce prisme d’écoute. On peut déjà se pencher sur l’historique du groupe : le chant est assuré par La Torre depuis deux galettes déjà, le bonhomme ayant une voie puissante similaire à celle de Tate, mais il passe également derrière les fûts. Ce n’est pas un poste improvisé vu que l’animal est batteur de formation. Il joue ainsi sur les ruptures rythmiques ou alambique un peu la cadence à la manière d’un Mark Zonder (Fates Warning) : "Light-Years" est représentatif de ces irrégularités et variations. C’est principalement à ce niveau que l’influence progressive se fait sentir, point qui permet aux morceaux de gagner en complexité et donc en épaisseur.
Allons plus loin. Peut-être que sur l’atmosphérique "Portrait" en conclusion d’album (excellente position pour ce titre qui achève The Verdict au poil) on peut sentir une expression progressive avec les nombreuses interventions de la guitare et ses petits effets bruitistes. Des petits passages au gré des titres rappellent l’influence prog’ (comme le pont atmosphérique sur "Light-Years" avec un chorus très écrit) ou encore l’introduction très opethienne de "Inside Out".
De même, le groupe va puiser dans des sonorités et des écritures apportant une teinte spécifique à l’album. La mode est au thème orientalisant, et pas seulement dans les paroles comme pour "Blood of the Levant". "Light Years" ou "Bent" présentent des riffs de ce type quand "Inside Out" est bâti sur ces sonorités et mélodies, sans que ça ne fasse artificiel ou pastiche.
La profondeur se retrouve également au niveau des paroles qui s’inscrivent dans des thématiques assez sombres, que ce soit la guerre ("Blood of the Levant") ou plus classique, sur l’oppression du système ("Man the Machine") à la sauce Queensrÿche.
Mais pour tout dire, le groupe est très rentre-dedans, avec des riffs lourds semblant se dérouler sans pouvoir s’arrêter (c’est le cas sur les deux premiers titres, on est emporté – littéralement – dans le mouvement des morceaux). "Blood of the Levant" est une petite perle avec son excellent solo sur fond de batterie militaire, l’entrée in medias res rendant cette impression de flot continu encore plus sensible. Le sens de l’épique est par contre maintenu malgré la durée relativement modeste des titres.
La modernisation dans la production est substantielle, souvent à propos en terme de mixage, mais plus aléatoires quand il s’agit de certaines mélodies, surtout pour ce qui est des refrains à la Linkin Park : nous retrouvons cela dans "Bent", très bon morceau à l’ambiance sombre et lourde, ou encore dans "Dark Reverie". C’est dommageable puisqu’ils viennent entacher des idées exceptionnelles. Le petit arpège un peu bancal rythmiquement de "Dark Reverie" est tout bonnement excellent, mais retombe sur un refrain à l’épique digne d’une dystopie pour ado …
Modernisation qui ne veut pas dire reniement : c’est même parfois le contraire tant des titres comme "Man the Machine" rappellent le Queensrÿche classique.
Enfin, autre point fort de l’album, les guitares sont assez bavardes, dans des solos souvent bien écrits, et assez variées dans leur approche : on passe de bons moments à l’écoute de Wilton et Lundgren se baladant sur les manches et intervenant toujours avec justesse, sans jamais en faire trop.
Un commentaire doit être fait sur l’édition collector de l’album qui pour une fois n’est vraiment pas une arnaque. Il propose un boitier cartonné dans lequel se trouvent deux albums dans des boîtiers "cristal" séparés (!!), le premier étant évidemment The Verdict. Le second propose des pistes live, des enregistrements rares : un disque bien complet de neuf pistes. En plus de tout ça, vous avez le droit à un décapsuleur, un patch pour votre kutte et un aimant pour votre … frigo. Un bien bel objet pour une dizaine d’euros supplémentaire.
The Verdict est un album qui installe une atmosphère et transporte aisément l’auditeur dans son univers. Bien rythmé pour une durée raisonnable, il permet à l’amateur de trouver son bonheur dans cet album qui fait partie du haut du panier de la discographie maintenant bien remplie de Queensrÿche.
Sachez que le groupe est en tournée mondiale avec … Fates Warning ! Hélas, lors de leur date (unique pour l’instant) à Paris (4 août au Petit bain), ils seront remplacés par les Allemands de Mirrorplain, mais le déplacement en vaudra tout de même la peine si vous êtes dans le coin.
A écouter : "Dark Reverie", "Blood of the Levant", "Light-Years"