Pixies
Beneath The Eyrie
Produit par Tom Dalgety
1- In the Arms of Mrs. Mark of Cain / 2- On Graveyard Hill / 3- Catfish Kate / 4- This Is My Fate / 5- Ready for Love / 6- Silver Bullet / 7- Long Rider / 8- Los Surfers Muertos / 9- St. Nazaire / 10- Bird of Prey / 11- Daniel Boone / 12- Death Horizon
Plutôt que d’envisager Beneath The Eyrie comme le septième album des Pixies, il semble plus commode pour les critiques de le considérer comme le troisième de leur Mach 2, ce qui leur évite l’indélicate tâche de le comparer aux Quatre Evangiles des lutins de Boston commis durant leurs heures de gloires, fin 80’s début 90’s. Certes, on ne reviendra pas sur le retour contesté et contestable de l’équipe de Black Francis puisque nous nous sommes déjà épanchés en long, en large et en travers sur cet incident dans les chroniques précédentes - voir, pour les retardataires, le lourd réquisitoire lancé à l’époque d’Indie Cindy et la tentative de réhabilitation plaidée à la sortie d’Head Carrier. Mais si envisager les Pixies comme un nouveau groupe en faisant fi de leur passé a quelque chose de confortable, puisque cela permet de réinsérer cette vieille formation dans un monde contemporain autrement moins talentueux et novateur dans le domaine de la rock music, la formule touche tout de même à certaines limites dès lors que l’on sent qu’il ne s’en faudrait pas grand chose pour que la marmite infernale du Massachusetts se remette en ébullition. La note ci-dessus reflète donc un certain air du temps, à savoir un disque tout à fait appréciable au regard des standards indie rock actuels, tandis que la critique s’attardera malheureusement sur l’abysse séparant (pour combien de temps encore ?) les anciens des modernes.
Sur Indie Cindy, Black Francis s’était contenté de faire du Frank Black en éludant le poste de la basse (et la bassiste au passage) et en ne laissant qu’un rôle de faire valoir à ses deux vieux acolytes. C’était déjà un peu mieux sur Head Carrier puisque les Pixies tournaient honorablement la page Kim Deal en engageant à temps plein Paz Lenchantin et en repassant de trio à quatuor. Quelle étape se voit donc ici franchie ? Eh bien Beneath The Eyrie sonne le retour, en tout cas une certaine forme de retour, de Joey Santiago. Dernièrement cantonné à l’unique fonction d’appui des riffs de Black Francis, revoilà le matamore américano-philippin à la guitare lead, de celle qui colore, qui assaisonne, qui pimente le jeu du groupe. Ses petits soli donnent tout le sel de titres jouant sur les ambiances comme “This Is My Fate”, “Silver Bullet” et surtout “Birds Of Prey”, renouant avec l’esthétique marquée “desperado sous acide” de Bossa Nova. En ce sens on peut affirmer que cet opus n°7 est celui qui se rapproche le plus de l’œuvre séminale de Black and co. Ajoutons à cela une production toujours parfaite assurée par Tom Dalgety (qui semble avoir définitivement piqué le poste de Gil Norton) ainsi qu’une bassiste désormais parfaitement intégrée (elle a de nouveau le droit à son lead vocal sur “Los Surfer Muertos” qu’elle a coécrit avec le despote du groupe, tout en signant également “On Graveyard Hill” et “Long Rider”), et on obtient un disque très intéressant sur le plan formel.
Mais il y a un mais. Beneath The Eyrie apparaît bien trop convenu, certes pas davantage que ses deux récents prédécesseurs. Les morceaux quoique raccourcis manquent de substance et n’évitent pas une certaine redondance, le rythme se contente trop souvent de plafonner sur un mid-tempo des grands pères, lancé trop souvent par quatre coups de baguettes pépères de David Lowering, et les rares hurlements de Black Francis ne passent plus tandis que sa voix se fait paresseuse et platement dramatique. Ses textes autrefois follements truculents ne sont plus que gentiment loufoques. Bref, les Pixies font le job (le single “On Graveyard Hill”, aussi efficace qu’archétypal, la ruade faussement punk “St Nazaire”, la jolie balade “Ready For Love”), ça ronronne, ça suscite parfois de vrais sourires (“Catfish Kate” érigé en forme de conte gentiment absurde), aucun titre ne peut être pris en défaut, même pas le longuet “Daniel Boone”. Mais ça manque d’allant, et à ce petit jeu-là, c’est sans doute Black Francis qui pêche le plus. Nul doute que s’il revenait à plus de folie, d’imprévisibilté, d’énergie, tout le monde saurait se mettre au diapason. Ce qui ne fait pas de Beneath The Eyrie un mauvais disque, au contraire même : c’est sans doute leur meilleur depuis Trompe Le Monde. Mais réécoutez donc ce dernier ou n’importe laquelle des quatre primum movens des Pixies : bah il n’y a pas à tortiller du fion... Quand on a dit ça, on a tout dit.