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Critique d'album

Patti Smith


Horses


(01/11/1975 - Arista - Rock contestataire - Genre : Rock)
Produit par

1- Gloria / 2- Redono Beach / 3- Birdland / 4- Free Money / 5- Kimberly / 6- Break It Up / 7- Land: Horses/Land Of A Thousand Dances/La Mer (de) / 8- Elegie / 9- My Generation
Note de 5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Jésus est mort pour racheter les péchés de quelqu’un... Mais pas les miens !"
Daniel, le 22/03/2025
( mots)

Patricia

Née à Chicago le 30 décembre 1946, Patricia Lee Smith compte quatre printemps quand sa famille irlandaise et sans le sou échoue à Pitman, une banlieue de neuf mille âmes perdue dans le Sud du New-Jersey.

A dix-huit ans sonnés, promise à l’usine alors qu’elle se rêvait institutrice, la demoiselle se barre, lassée qu’elle est d’une vie réglée par les préceptes aliénants des Témoins de Jéhovah.

Alors Patti vagabonde.

Mais tout le monde sait comment ça se passe. Un homme qui vagabonde écrit sa légende. Voyez Woodie Guthrie. Voyez Pete Seeger. Voyez Bob Dylan. Voyez Bruce Springsteen. Voyez Neil Young. Et aussi tous les autres qui étaient nés pour courir...

Par contre, une jeune femme qui vagabonde tombe enceinte. Elle accouche le 26 avril 1967 (l’année de l’amour hippie). Le monde n’est pas aimable avec les paumées. Les sages-femmes surnomment Patti "la fille de Dracula". Elle abandonne l’enfant à l'assistance publique en vue d’une adoption. Elle en restera inconsolable.

C'est l'éternelle "malédiction du genre".

Robert

Alors la fille de Dracula rêve de New-York. Les poches vides, elle doit au destin (où à son habilité manuelle) de "découvrir" trente-deux dollars et quelques cents dans un sac de dame oublié dans une cabine téléphonique. Elle achète un billet aller-simple et grimpe dans un bus qui relie son bled à New-York.

Dans sa seule valise en tissu à carreaux, il y a Les illuminations d’Arthur Rimbaud, l’ouvrage qui a libéré la poésie des règles de la versification.

A bien y réfléchir, on retrouve le fameux chemin initiatique de "Meeting Across The River" si cher à Bruce Springsteen (1). Réécoutez vos classiques !

Apès avoir vécu dans des stations de métro, Patti débarque au Chelsea Hotel où elle croise Janis Joplin avant de s’éprendre de Robert Mapplethorpe. Robert est homosexuel. A New-York, l’homosexualité masculine est devenue banale (2). Le couple improbable connaît un amour fusionnel. Durable. Pour le rendre immortel, Robert taxe le Polaroïd Land 360 d’une amie. Le couple se serre la ceinture pour acheter des pellicules et Patti devient le premier modèle de son amant.

Alors Patti découvre l’art.

Et elle se rêve poétesse. Elle écoute Dylan. Elle cite Jean Genet (comme David Bowie). Elle récite Arthur Rimbaud et Ronsart dans le texte. Elle commente Constantin Brâncusi. Elle lit Peter Reich. Elle danse avec Robert sur "Land Of Thousand Dances". Elle rédige quelques articles habités pour Rolling Stone.

Et elle écrit également des mots. Des mots difficiles. Pour Blue Öyster Cult, par exemple.

File-moi le fric
Et je serai ton chirurgien
J’aimerais te sonder, t’injecter
T’abandonner à genoux sous la pluie
Je vole tout ce que tu me dévoiles
Et jamais je ne m’excuserai
Parce que le Mal est ma profession (3)

Clive

Alors Patti rêve de rock alternatif.

Elle se trouve un backing band, le Patti Smith Group. Remarquée par Clive Davis lors d’une performance punk et totalement bordélique au CBGB, elle signe chez Arista.

Début août 1975, elle investit les studios Electric Lady dont les murs résonnent encore des notes funkoïdes du "Fame" enregistré par David Bowie et John Lennon.

John

Le Gallois John Cale est choisi pour produire l’album. Son passé au sein du (pénible) Velvet Underground en fait un personnage hype. Mais c’est lui rendre grand honneur que de le qualifier de "producteur". Dans l’absolu, il organise un bordel improbable en studio puis pousse sur la touche "Record". Advienne que pourra.

Ceci dit, le résultat "brut de décoffrage" de son travail sur Horses correspond clairement aux aspirations de Patti Smith à qui l’album vaudra d’être surnommée The Godmother Of Punk.

La chanteuse improvisée ne brille ni par sa technique, ni par son sens de la nuance. Et ses quatre musiciens (basse, batterie, piano, guitare) pratiquent un rock qu’il n’est pas impoli de taxer de "très générique". L’on remarque heureusement un peu plus de nuance(s) quand Tom Verlaine joue sur "Break It Up" ou quand Allen Lanier intervient sur "Elegie". La légende veut que les deux hommes – qui lorgnaient sur la poétesse – en soient venus aux mains durant les sessions. Ambiance garantie.

Alternant spoken words et éruptions volcaniques non contrôlées, Patti Smith enregistre un album composé de deux très longues pièces hallucinées et de six titres plus conformes aux standards du rock.

Unique single extrait de l’album, la plage titulaire est une reprise du classique "Gloria" de Van Morrison agrémenté d’une brève intro ("In Excelsis Deo") où Patti Smith exprime son point de vue assez "obtus" (pour ne pas écrire "revanchard") au sujet de la chose religieuse (4).

La version dépote et deviendra un classique scénique instantané.

Bien que mené sur un rythme plus léger, "Redondo Beach" évoque le sordide suicide par noyade d’une fragile demoiselle après une ultime querelle amoureuse.

Il y a une forme d’ironie morbide dans "Free Money" où Patti Smith se moque de son enfance pauvre et de l’espoir souvent exprimé par sa mère de gagner gros à la loterie pour s’acheter une maison cossue en bord de mer. Un espoir d’autant plus vain que Beverly Smith n’a jamais acheté le moindre billet de loterie, les Témoins de Jéhovah ne pouvant s’abaisser aux jeux de hasard.

Le joli "Kimberly", empreint d’affection et de sororité, est dédicacé à la plus jeune sœur de la poétesse auto-proclamée. C’est le seul moment "paisible" de Horses.

Co-composé avec Tom Verlaine, "Break It Up" décrit la douloureuse résurrection de Jim Morrison, devenu, par la grâce de la poésie smithienne, une divinité ailée, dont le destin serait vaguement comparable à celui de Prométhée.  

"Elegie" (en Français dans le texte), conçu cette fois avec Alan Lanier, exprime le deuil. L’élégie, cette expression lyrique de sentiments douloureux popularisée par Ronsard, deviendra la marque de fabrique de Patti Smith qui en composera pour Jerry Garcia, Kurt Cobain, Fred « Sonic » Smith (son mari) ou encore pour son frère Todd Smith. A croire que Patti pourrait pleurer le monde entier.

Les deux titres interminables (et les plus atypiques) sont évidemment les sujets qui fâchent. A priori, il faut avoir une certaine dose de philosophie pour "entrer" dans des monologues de plus de neuf minutes, où se chante, se hurle et se parle une poésie arty totalement libérée, débridée, souvent cryptée, parfois explicite. Et toujours douloureuse.

"Birdland" est une réinterprétation délirante de A Book Of Dreams de Peter Reich qui inspirera plus tard (en 1985) à Kate Bush son merveilleux "Cloudbusting". Évidemment, tandis que Kate évoque l’aspect poétique du livre, Patti Smith s’intéresse ici principalement à la douleur, à la noirceur, à la mort du père et à l’absence.

Mais, si "Birdland" propose déjà une expérience douloureuse, "Land" (composé de trois sous-chapitres : "Horses", "Land Of Thousand Dances", "La Mer (De)") emmène l’esprit dans des confins bien plus sombres encore. Il est question de nuit, de viol, de suicide, de sexe, d’homosexualité, de sperme, de sang, de Rimbaud, de mort, d’amour, de haine, d’une initiation au LSD, de poudre blanche, de Tamla Motown, et de patati et de patata.

Aucun petit rocker sensible ne sortira indemne de ces deux expériences immersives. Et c’est très bien comme ça.

Robert

La sublime photo en noir et blanc qui figure sur la pochette de Horses est l’œuvre de Robert Mapplethorpe. Elle a été prise dans l’appartement de Sam Wadstaff, un collectionneur d’art, amant du photographe. La séance de shooting est d’une rare brièveté. C’est seulement le huitième cliché et c’est déjà le bon.

Portant une chemise blanche et propre, chinée dans un dépôt de l’Armée du Salut, Patti pose, sans féminité apparente. Un être épicène. Montre au bras droit. Costume d’homme, chemise blanche et bretelles. Veste négligemment jetée sur l’épaule. Comme Frank Sinatra. Clic.

La critique se divisera entre ceux qui devineront chez Patti Smith l’icône féministe et punk qu’elle deviendra et ceux qui démoliront une œuvre aussi bruitiste que teintée d’amateurisme.

L’album se classera seulement à la 47ème place des charts (5) mais, comme une mauvaise graine plantée dans un terreau déjà fertile, il deviendra rapidement le ferment du mouvement punk qui balaiera la planète rock en n’épargnant rien ni personne.

Aujourd’hui encore, il reste absolument indispensable de se procurer Horses même si l’on sait (avertissement) qu’après l’avoir entendu (et mieux encore, après l’avoir écouté), on va y laisser définitivement tout ou partie de son innocence rock.

Soudain Johnny a l’impression d’être entouré de chevaux
Des chevaux, des chevaux, des chevaux
Il en vient de toutes parts
Ils portent des fers argentés
Ils ont les naseaux en feu
Johnny voit des chevaux, des chevaux, des chevaux


(1) Bruce Springsteen offrira "Because The Night" (écrit durant les sessions de Darkness On the Edge Of Town) à sa compatriote du New-Jersey qui en fera son premier hit en y ajoutant des paroles de son crû.

(2) La situation se compliquera un peu plus tard avec le sida, lorsque la moitié des cendres du merveilleux Klaus Nomi sera éparpillée à New-York. Pour les complétistes, l’autre moitié se trouve dans un cimetière de la Bavière natale du chanteur.

(3) "Career Of Evil" sur Secret Treaties en 1974.

(4) Son aversion pour Petit Jésus ne l’empêchera pas d’être invitée à chanter au Vatican en 2014 par François (le Pape, pas le rédacteur en chef d’AlbumRock).

 (5) Loin derrière Chicago (ironie du sort), Kiss, Pink Floyd, The Wings, Linda Rondstadt, Elton John ou Neil Young...

Commentaires
DanielAR, le 22/03/2025 à 17:06
Je comprends très bien la réaction. "Horses" est un "acte rock militant" plutôt qu'un disque au sens traditionnel du terme. Il n'y a eu aucune concession, ni dans la conception ni dans la production, qui aurait permis d'arrondir un peu les angles. Il faudra attendre trois années avant que Patti Smith ne tolère un petit virage commercial en acceptant le "Because The Night" de Bruce Sprinsgteen. "Horses" reste une œuvre "brute" que l'on prend ou que l'on jette comme elle est.
Sébastien , le 22/03/2025 à 13:28
Un album bavard et ennuyant qui m'a semblé interminable... Pas mon truc.