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Critique d'album

Moundrag


Moundrag


(07/09/2019 - - hard prog heavy psych - Genre : Hard / Métal)
Produit par Sébastien Lorho / NDE productions

1- My Woman / 2- The Priest & the Whore / 3- Last Man / 4- The rider
Note de /5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Du Hard Prog Heavy Psych sans guitare ni basse...Cap ou pas cap ?"
Olivier S, le 15/04/2021
( mots)

Ne vous êtes-vous jamais posé la question de ce que pourrait donner le son de Dream Theater, si du jour au lendemain, l'ensemble des membres décidait de claquer la porte en laissant leur batteur (Portnoy, pour les plus nostalgiques de la grande époque) ainsi que leur claviériste, John Rudess, continuer sous forme de duo ? Lesquelles d'entre vous n'ont jamais secrètement fantasmé un projet de duo entre Jon Lord, claviériste historique de Deep Purple (qui aurait renvoyé Ritchie Blackmore à ses gammes à grands coups de pompes dans le séant) et Ian Paice, batteur non moins historique ? Personne, à n'en point douter. Qui voudrait voir à quoi ressemble la démarche d'une fourmi dont on aurait eu la miséricorde de ne pas arracher les deux pattes restantes ? Ne répondez surtout pas à cette question.
Dans un souci fort louable de faire progresser la science sur cette question hautement existentielle, deux énergumènes et accessoirement, frères à la ville, ont décidé de mener l'expérience pour nous et le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat est surprenant. Voyons ça de plus près.

Ce fait divers nous emmène dans la charmante bourgade de Paimpol dans les Côtes-d’Armor, où sévit Smooth Motion, jeune quatuor proposant un hard rock rétro aux accents psyché. Après deux albums, le chanteur guitariste de la formation s'absente pendant plusieurs mois, laissant les trois autres membres de la formation sur le carreau. Camille Goallen Duvivier, le claviériste de la bande et son batteur de frère Colin Goallen Duvivier, ayant leurs instruments qui les démangeaient (peut-être un peu plus que leur bassiste), décidèrent de tuer le temps en formant un duo. Ainsi naquit Moundrag, anagramme de "Drum" et "Organ" (enfin presque, si on occulte le second R, qui a été gracieusement cédé au groupe de métal français Igorr avec deux R, qui est devenu l'Igorrr à trois R qu'on connaît : fin de cette honteuse tentative de création de mythe) et un premier EP éponyme pour marquer le coup. Grand bien leur en a pris, puisque ce qui aurait pu s'annoncer comme une catastrophe industrielle en règle, s'avère au final et contre toute attente, bien au-delà des pronostics les plus optimistes : explications.

Ce qui frappe au premier abord, pour qui a jeté au préalable une oreille sur un album de Smooth Motion, c'est cette remarquable lisibilité d'ensemble. L'orgue de Camille, n'a plus à partager l'espace sonore avec une guitare rythmique et une basse et se retrouve mis à l'honneur comme rarement dans une formation à composante rock prog psyché. Loin d'être manchot, l'organiste rentabilise ses deux mains en prenant en charge la section rythmique en triple clavier, un mini Moog faisant office de basse rythmique et un double orgue alternant rythmique et passages plus verbeux, qui font vite oublier l'absence de cordes dans les compositions. Le claviériste a pourvu à tout, en dotant son habillage sonore d'un renfort de saturations bienvenues (la rythmique dantesque de "My Woman"), faisant taire les plus sceptiques, dans la capacité de Moundrag à se ranger dans le rayonnage rock, quelque part entre Deep Purple, Emerson Lake & Palmer, Uriah Heep et Atomic Rooster, dont ils revendiquent fièrement les inspirations.

L'immédiateté, ensuite, marque les esprits par sa singularité toute particulière. Voici un groupe se revendiquant d'un style réputé difficile d'accès, voire élitiste avec la fraîcheur et la candeur d'un System of a Down lâché au beau milieu d'une scène métal hermétique et hyper-codifiée. Vous allez voir que la comparaison avec la formation Americano-Arménienne n'est pas si innocente qu'elle n'en a l'aire, puisqu'une partie de cette accessibilité réside dans le point fort, commun aux deux formations : un double vocal. Loin d'être anecdotique et encore moins gadget, il s'avère une force de chaque instant, alternant en permanence chant lead de l'un des deux duettistes, avec harmonies vocales des plus diversifiées, qui les place quelque part entre un phrasé proto-punk mélodique à la The Who et des harmonies pop rock dansantes façon Django Django ("Last Man" et "The Rider" en parfait représentant de cette tendance).

Enfin, les compositions s'avèrent absolument imparables et se montrent capables d'opérer le grand écart entre énergie Hard Rock Psyché et aspirations progressives. L'EP n’excédant pas 20 minutes pour quatre titres, il a fallu synthétiser, rationaliser, élaguer sans doute, pour ne garder que l'essentiel : un concentré pur jus du meilleur de chaque sous-genre représenté. "My Woman", qui dépasse à peine les 6 minutes, est un formidable cas d'école du démarrage d'album tambour battant, d'une rapidité et d'une efficacité confondantes. Toutefois, à l'issue de son premier élan, structurellement standard (couplet, refrain, pont, solo...) et tout en accords rythmiques saturés, rien ne préfigure, d'une quelconque manière que ce soit, au coup de frein abrupt à la moitié du titre. D'abord d'un tempo très lent, cette seconde partie fait la part belle aux harmonies vocales que viennent relever religieusement des solennelles nappes d'orgues, pour finir par accélérer progressivement le tempo sur son finish. Pratiquement un titre dans le titre, qui prouve, si besoin en était, qu'accessibilité et complexité ne sont pas des frères ennemis.
"The Priest & The Whore" est l'occasion d'évoquer deux aspects de la fratrie bretonne, à savoir leur relatif second degré, avec en exemple ici, les paroles déclamées par un Colin non-content d'exagérer un accent français à couper au couteau à fromage. Plus loin, les provocations du batteur finissent par payer et le duo se transforme en duel, sous forme d'une charge de fûts sauvage que Camille canarde de frénétiques salves d'accords d'orgue. Le duo s'amuse et cet état d'esprit est parfaitement palpable tout au long de l'EP. Il suffit de regarder la complicité des frangins en live, disposés face à face, se toisant et se défiant avec une emphase des plus burlesques, pour finir de s'en convaincre.
"Last Man" est finalement le titre le plus aventureux, savoureuse collection de changements de signatures rythmiques ; car oui, il n'a pas été suffisamment évoqué ici le jeu imparable du cogneur, tout en souplesse et en inventivité, propre à densifier et rendre unique chacun des innombrables passages de l'ensemble de la galette, quitte à se finir à coup de gong tel un maître de cérémonie sous ecsta. "Last Man" donc, qui juxtapose allégrement une entame articulée autour d'un riff d'orgue au groove irrésistible, véritable tube en puissance, qui se paye la fantaisie à mi-parcours de lorgner du côté du free jazz. L'occasion pour le Moog de Camille, de sortir un temps de son rôle de basse rythmique, pour nous livrer quelques bidouilles suraiguës choisies. Le roi est mort, vive Crimson !

Avec leur projet "passe temps" qui devait faire office de jam améliorée, faute de chanteur et guitariste, les frères Goallen Duvivier n'avaient probablement pas réalisé ce qu'ils étaient en train de créer. Moundrag, non-content d'être un projet pouvant faire sérieusement de l'ombre à leur formation au complet, est surtout enclin à susciter un véritable engouement autour d'un concept apportant un éclairage nouveau au genre hard prog heavy psyché, né quelque 50 ans plus tôt et qui traîne parfois une réputation de rock difficile d'accès.   
Si les amateurs de rock progressif les plus exigeants et spécialisés, passeront éventuellement leur chemin après une écoute de politesse, il est fort à parier que bons nombres d'amateurs de hard rock, comme de rock psychédélique, tomberont immédiatement sous le charme de ce concentré d'énergie hautement communicative. Dans un cas comme dans l'autre, il serait fort dommageable de ne pas jeter une oreille à cette singulière formation, qui n'a pas fini de faire parler d'elle. La sortie de leur premier album étant d'ailleurs prévue courant 2021 et laisse déjà entrevoir une orientation plus progressive, qui sera probablement difficile d'occulter.
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