La folk des texans de
Midlake porte en elle des allures mystiques. Si par le passé, cela n'a pas toujours sauté aux yeux, exposant davantage un aspect rétro, la direction prise sur ce
The Courage Of Others exprime des sentiments bien plus profonds. Enfouis, même. C'est un album purement monastique, calme, posé et réfléchi, et entièrement tourné sur lui-même. Si cette retraite conserve son charme tout du long, c'est qu'elle est habilement soutenue par un Tim Smith impérial, niché sur son beffroi, et voyant sur nous tomber une fin du monde imminente. Il chante comme on prie, d'abord pour soi, et au cas où, pour ceux qui entendent.
Cet album est une collection de recueillements, parfois même de testaments. Des cantiques folk qui frissonnent face à la beauté de la nature ("Core Of Nature"), ou qui condamnent l'irresponsabilité des peuples qui la fréquentent ("Rulers, Ruling All Things"). Comme résignés au fond de leur crypte, ils déballent leur douce rancœur, assis sur leurs derniers espoirs de rédemption. En témoignent ces quelques lignes issues du bien nommé "Bring
Down " :
"Pray for all to end, And silence be all, Now the joy is burned out and it's gone". The Courage Of Others est le témoin impuissant de la décadence plus que son juge, et ces délicates lamentations partagent une peine contenue, mais pas seulement.
Car avant d'être un oracle des temps modernes,
Midlake est un groupe de folk. Et pour accompagner ses boudeuses suppliques, le groupe a développé une esthétique en conséquence : terminés les synthés ou les guitares électriques, et retour à des mélodies simples. Les guitaristes Nichelson et Pulido déploient des arpèges scintillants qui s'entremêlent comme des guirlandes de mélancolie. Des arpèges entêtants, qui font basculer certains titres comme "The Courage Of Others" dans un psyché-folk terrestre, ou même plongent des morceaux tels que "The Horn" dans un prog-folk sixties. Et c'est cette maitrise mélodique qui installe cette ambiance si particulière, un regard métaphysique qui invite l'auditeur à errer dans l'automne, se suffisant à lui-même. C'est une ode à la solitude et à la pudeur : rien n'est grand, rien ne dure et rien ne dépasse. Tout ici respire l'humilité, voire la soumission à la nature et à la Terre.
Et si jamais le ton ne monte, c'est parce que
The Courage Of Others est un voyage indivisible, sous terre, à l'abri du soleil. Tout est égal face à la grandeur de ce qui nous entoure. Mais force est de constater que la recette s'use avec le temps. Car si certains morceaux se dévoilent en de purs instants de beauté fragile comme l'hypnotique "Children Of The Grounds" ou le bucolique "Small Mountain", d'autres semblent se répéter et l'album se mord la queue. Le troisième effort de
Midlake n'est pas à proprement parler accessible, il se découvre toujours un peu plus à chaque écoute. Mais arrive l'instant où la gravité devient lourdeur et l'élégance de la voix se transforme en une facile monotonie. Le décor se répète et on se met à stigmatiser, voire à caricaturer ce qui faisait le charme de cette musique : une homogénéité proche de la redite, un désespoir pompeux et une voix uniforme.
The Courage Of Others est un album précieux, et comme tout ce qui est précieux, il doit rester rare. Sans quoi la magie s'estompe. Il est malheureusement impossible d'emporter cette humeur particulière, et de faire éternellement durer ce sentiment d'accablement. C'est un instant fugace, qu'il ne faut pas répéter à l'envi, une noire tentation à laquelle il faut de temps en temps se refuser à céder, pour entretenir la flamme.
Midlake a produit un album singulier et personnel, divin pour qui saura se laisser habiter ; ennuyeux, au mieux, pour qui ne voudra pas prêter une épaule pour porter les fardeaux du monde.