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Critique d'album

Lou Reed


Transformer


(08/12/1972 - - - Genre : Rock)
Produit par

1- Vicious / 2- Andy's Chest / 3- Perfect Day / 4- Hangin' 'Round / 5- Walk On The Wild Side / 6- Make Up / 7- Satellite Of Love / 8- Wagon Wheel / 9- New York Telephone Conversation / 10- I'm So Free / 11- Goodnight Ladies
Note de 5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Je me méfie des gens qui appellent leur idole par son seul prénom. Lou, par exemple – Anonyme "
Daniel, le 12/02/2022
( mots)

Pour les enfants du rock, en 1972, Lou Reed a trente ans et est un épouvantable vieux has-been dyslexique. Soumis à des électro-chocs dès son adolescence, il est le principal orphelin d’un groupe ridicule dont il détestait la chanteuse allemande, par ailleurs imposée par un mentor arty qui préférait les bananes épluchées à la musique. 


En 1972, après le naufrage du Velvet Underground, Lou Reed navigue entre came et désespoir. Et tout le monde s’en fout. Il ne se trouverait personne pour lui tendre la main s’il venait à s’écrouler dans un caniveau au cœur d’une nuit new-yorkaise pourrie.


Mais il arrive que les étoiles s’alignent. David Bowie, comme beaucoup de jeunes parvenus, rêve de s’entourer d’une écurie de danseuses. Pour démontrer que son talent ne se limite pas à ce qu’il fait, ni à ce qu’il est… Il entend déclarer urbi et orbi qu’il peut transformer n’importe quel comique en Poussière d’Etoile couvert d’or et de paillettes. 


Les observateurs attentifs auront remarqué que le gentil mentor, attentif à ses intérêts, n’a jamais laissé une de ses marionnettes lui faire vraiment de l’ombre.


Outre Lou Reed, David Bowie satellisera Mott The Hoople, Dana Gillespie, puis, évidemment, Iggy Pop. 


Pour accueillir Lou Reed, Ziggy convoque Mick Ronson, sa bonne fée bleue du moment, à la production et aux guitares, Trevor Bolder (qui joue aussi de la trompette), le bassiste génial Herbie Flowers, l’antique Ronnie Ross, un saxophoniste de jazz qui a déjà posé des notes sur le Double Blanc des Beatles, les Thunder Thights pour les chœurs décalés, l’inévitable Klaus Voormann, … 


Bref, le ban et l’arrière-ban.


Durant cet été anglais de 1972, Lou Reed débarque à Londres et rejoint la troupe bigarrée aux studios Trident de Soho (Londres). Dans les charts, c’est la guerre des singles entre T.Rex, Slade, Alice Cooper, Chicory Tip et Nilsson.


Probablement complexé par le succès du petit Marc Bolan, David Bowie va lui envoyer dans les gencives un album glam presque scolaire. Histoire de rétablir les hiérarchies.


Lou Reed est un mauvais chanteur, un compositeur très quelconque et un musicien élémentaire. Mais il se laisse guider et il va enregistrer un chef-d’œuvre. 


Le bonhomme a glissé dans ses valises ce qu’il appelle "ses compositions". Certains titres, plus ou moins structurés, ont déjà été joués avec le Velvet Underground sans retenir l’attention de personne. D’autres sont des brouillons d’avant-projets. Il est question de nuit, de travestis pathétiques, de drogués, de dealers, de prostitution, de transsexualité, … Bref, tout ce qui fait le bonheur de nos journées. 


Le génie du duo Ronson – Bowie (dans cet ordre précis) sera de donner de la substance, un ton et un son à ces bribes glauques de pas grand-chose. Le mannequin semble moche mais il va être vêtu des plus beaux atours. Comme Cendrillon vers la fin du film.


La photo qui illustre la pochette est surexposée artificiellement (1). Le procédé efface les rides et atténue les dommages d’une vie déjà brûlée par les deux bouts.


Si l’on considère l’album pour ce qu’il a été – à savoir un vinyle 33 tours pourvu de deux côtés distincts –, la face A est proprement biblique tandis que la face B abrite discrètement certains titres nettement moins intéressants.


WOTWS débute par un brûlot qui catalyse l’intérêt de l’auditeur. Malgré le talk over paresseux de Lou Reed (le pauvre garçon fait ce qu’il peut), "Vicious" explose comme une leçon de glam rock infligée à tous les rockers qui assument leurs bottines compensées et leurs fendards pattes d’éléphant. 


"Andy’s Chest" évoque avec délicatesse la tentative d’assassinat rocambolesque de la militante Valérie Solanas sur la personne d’Andy Warhol.


Ceux qui y ont entendu une allusion à l’héroïne ont décrié "Perfect Day" alors que, selon le témoignage crédible de son auteur, il s’agirait d’une ode simple (et extrêmement "gnangnan") au plaisir de se promener, main dans la main, avec l’être aimé(e). La voix du new-yorkais est transmutée au point de frôler la perfection. Ce miracle va créer chez les fans l’attente éternelle d’une suite qui ne viendra jamais.


Et puis, soudain, il y a "Walk On The Wild Side". Le monde peut s’arrêter. 1972 connaît son chef-d’œuvre. Les marginaux – avec leurs rires parfois forcés, leurs bas-résilles sur des mollets poilus, leurs seringues, leurs filles / garçons faciles et leurs tragédies – tiennent là un manifeste éternel. La basse doublée (une contrebasse acoustique et une électrique jouant à la dixième) est un coup de génie dont Herbie Flowers revendiquera à raison la paternité jusqu’à son dernier souffle. Il a suffi de vingt minutes un lundi matin pour enregistrer cet accompagnement mythique. Herbie se souvient qu’il était un peu à la ramasse en raison d’un dimanche trop arrosé au Johnny Walker. Comme quoi…


"Make Up", "Satellite Of Love" (un modèle absolu de production qui, sans y toucher, expédie T.Rex à jamais dans les cordes),  "Wagon Wheel"  (aux contrastes inattendus) et le phénoménal rétro-jazzy "Goodnight Ladies" sont les autres titres qui méritent une reconnaissance éternelle du monde du rock envers son petit maître éphémère. 


Lou est né vraiment en 1972, porté sur les fonts baptismaux par une équipe improbable mais soudée. Puis Lou s’est consumé (2). L’agonie a été longue (jusqu’en 2013). A force de trébucher aux limites du bas-côté de la rue…


(1) Mick Rock (1948-2021) a prétendu que la surexposition était purement accidentelle. Le rock s’est aussi bâti sur des mensonges. Un photographe à ce point expérimenté n’aurait jamais foiré le développement d’une photo aussi cruciale. Ou alors, il aurait au moins "doublé" le cliché lors de la prise.


(2) pour le plaisir de l’anecdote, Lou Reed collaborera en 1981 avec Kiss pour coécrire trois titres de l’album Music From the Elders, par ailleurs le pire désastre enregistré par les quatre masqués. Cela dit, "A World Without Heroes" est un des titres préférés du chroniqueur. En 2011, Lou Reed élèvera encore le niveau de la médiocrité en infligeant au monde l’horrible Lulu, cette fois aux côtés de Metallica.

Commentaires
Daniel, le 15/02/2022 à 17:38
Merci aussi pour ce commentaire. Il est vraiment très motivant de "travailler" pour une équipe comme celle d'Albumrock. Cela fait maintenant 44 ans que je rédige des chroniques (plus ou moins inspirées) pour des magazines (physiques puis virtuels) et je suis toujours aussi ému quand un texte conduit des lecteurs / lectrices vers un peu de musique. Parce que la musique doit être un partage. Sinon, elle n'aurait aucun sens.
DiegoAR, le 14/02/2022 à 14:34
Merci Daniel pour cette superbe chronique, aussi agréable à lire qu'instructive !
Eily, le 12/02/2022 à 13:48
Il n'y a pas que pour 1972 que "Walk on the wild side" est un chef d'oeuvre. C'est LA chanson parfaite. Groove, construction, instrumentation, chant, ambiance. Le temps s'arrête quand on l'écoute.