
Klone
The Unseen
Produit par
1- Interlaced / 2- The Unseen / 3- Magnetic / 4- After the Sun / 5- Desire Line / 6- Slow Down / 7- Spring


Au fil des années, Klone s’est imposé comme une figure incontournable de la scène rock atmosphérique française mais pas que, en particulier (du moins pour l’auteur de ces lignes) avec Meanwhile, un album sidérant de fluidité narrative, de puissance émotionnelle et fort d’un équilibre subtil entre mélodie et intensité. Sorti en 2023, ce disque a marqué un tournant dans la carrière du groupe poitevin, confirmant leur maîtrise dans l’art de fusionner des sonorités lourdes avec des ambiances éthérées. Ce nouvel élan s’est accompagné d’un changement de label, Klone passant du progressiste Kscope à Pelagic Records, label plus orienté metal qui héberge notamment And So I Watch You From Afar, God Is An Astronaut ou encore The Ocean, une transition qui ajoute une dimension particulière à l’arrivée de The Unseen.
Allons droit au but : parmi les morceaux les plus marquants, "After The Sun" s’impose comme un véritable joyau. Ce titre, qui se déploie en à peine plus de quatre minutes, constitue une leçon de concision et d’impact émotionnel, avec ce petit arpège de guitare tout con et sa savante utilisation des nappes synthétiques, agrémenté d’arrangements subtils et d’une progression maîtrisée. L’émotion y est palpable, le groupe trouvant un équilibre rare entre (relative) complexité et accessibilité. De même - dans une moindre mesure - pour "Magnetic" qui réussit à captiver grâce à ses motifs de six cordes réverbérés et son travail vocal particulièrement poignant (Yann Ligner dans ses grandes œuvres). Ce morceau rappelle, en plus compact, les sommets atteints dans les précédents albums de Klone tout en proposant une fraîcheur indéniable. Ce qui étonne ici, c’est que cette qualité se fait là on l’on attendait pas les poitevins, à savoir sur des titres à la fois plus concis et moins écrasants.
Non pas que Klone pêche sur son terrain de prédilection, mais le parti-pris d’un disque beaucoup plus hétéroclite et par là-même nettement plus éclaté peine à convaincre outre mesure. Il manque à The Unseen la formidable alchimie qui nous immergeait profondément dans le tonitruant Meanwhile. La tracklist étonnamment ramassée ménage des titres souvent plus brefs - les plus réussis - mais parfois beaucoup plus longs, comme “Spring” qui culmine à plus de douze minutes… sans le liant nécessaire à une telle entreprise. En témoigne une partie centrale musclée qui gêne par ses dissonances en totale opposition avec les motifs sibyllins de la mélodie princeps, progression musculeuse qui s’achève avec une certaine sécheresse avant que le morceau ne renoue avec l’épure. Citons aussi "Desire Line" qui, malgré ses arrangements floydiens sophistiqués, donne l’impression de tourner en rond, manquant de cette étincelle qui fait la force des meilleurs titres du groupe. "Slow Down" souffre du même problème : bien construit, mais dépourvu d’un véritable impact émotionnel. Ces morceaux illustrent les limites de The Unseen, qui s’écoute comme une collection de morceaux isolés plutôt qu’une œuvre pleinement cohérente.
L’ouverture de l’album, "Interlaced", pose pourtant des bases prometteuses. La voix profonde de Yann Ligner s’y impose avec une intensité presque palpable, tandis que les guitares de Guillaume Bernard tissent un canevas sonore dense et envoûtant, sans même parler de cette originale outro à la clarinette (signée du saxophoniste Matthieu Metzger ?). Cependant, malgré une exécution irréprochable, le morceau installe une lenteur narrative qui freine l’élan de l’album. Le titre éponyme suit une trajectoire similaire : riche et complexe sur le plan instrumental, mais manquant de vigueur pour captiver pleinement. Les refrains, bien que portés par une émotion sincère, peinent à laisser une empreinte durable.
En termes de production, The Unseen demeure un modèle d’équilibre. Le mixage, signé Francis Castes, donne une profondeur et une clarté impressionnantes aux compositions. Les guitares sont à la fois robustes et éthérées, tandis que la section rythmique de Morgan Berthet (batterie) et Jean-Étienne Maillard (basse) offre un socle solide mais jamais pesant. Ce travail d’orfèvre met en lumière les qualités individuelles de chaque musicien tout en servant l’intérêt collectif. Cela dit, même une production impeccable ne peut compenser un défaut de cohérence artistique et de la dispersion certaine dont souffre le disque.
Si The Unseen met en lumière le talent indéniable de Klone et ravira sans doute les fans de longue date, il lui manque cette étincelle qui faisait de Meanwhile une œuvre majeure. Trop hétérogène, il laisse parfois l’impression d’être un simple jalon dans la discographie du groupe plutôt qu’un point culminant. Reste à espérer que cette exploration osée mais inaboutie mènera Klone à de nouveaux sommets dans leurs futures productions.
À écouter : "After The Sun", "Magnetic", et aussi "Interlaced"