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Critique d'album

King Crimson


Red


(11/11/1974 - Island Records - Rock progressif - Genre : Rock)
Produit par

1- Red / 2- Fallen Angel / 3- One More Red Nightmare / 4- Providence / 5- Starless
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Brutal et magnifique, voici Red, ou l'apothéose du roi pourpre."
Nicolas, le 09/08/2010
( mots)

Ainsi le voilà, le chef d'œuvre du roi pourpre, l'un des sommets les plus éblouissants du rock progressif, l'un des plus grands disques de hard rock jamais enregistré. Red représente l'apothéose de King Crimson, son Everest, son joyau le plus admirable, d'autant qu'il est également l'ultime témoignage d'un groupe qui s'est retrouvé désintégré alors même que l'enregistrement de l'album venait à peine de débuter. Mais arrêtons d'empiler les superlatifs, et passons vite au vif du sujet.

Il est souvent difficile de suivre l'évolution d'un groupe aussi versatile que King Crimson. Red, septième album de la formation, réalisé en 1974, est le troisième et dernier fruit d'un line up associant l'inamovible Robert Fripp et le trio John Wetton - Bill Bruford - David Cross, soit grosso modo la troisième configuration du groupe. Cette fine équipe s'était au préalable fendue du superbe Larks' Tongues In Aspic qui laissait libre court à un rock progressif durci et bardé d'impros jazzys, et du plus sombre, expérimental et difficile d'accès Starless And Bible Black. A ceci près que, au milieu de l'année 1974, le violoniste David Cross en vient à s'auto-éjecter du groupe car il ne parvient plus à trouver sa place au sein de ce style musical de plus en plus lourd et rugueux. De Cross, on ne retrouve plus que les coups d'archets inquiétants qui inondent "Providence", improvisation enregistrée en live au mois de juin de la même année et qui a finalement été gardée dans la tracklist de Red. C'est donc réduit à un trio que le groupe investit les Olympic Studios de Londres au mois de juillet en vue d'accoucher d'un nouvel album.

Sauf que Robert Fripp commence à sérieusement gamberger, de plus en plus écœuré par un business musical naissant qui voit ouvertement en son groupe une poule aux œufs d'or tout juste bonne à faire fructifier les billets verts. Alors que l'homme voue un véritable culte à l'ésotérisme depuis quelques années déjà, dévorant à la chaine les ouvrages de Ouspensky, J.G. Bennett, Castaneda et surtout Gurdjieff, il se retrouve confronté assez brutalement à une profonde crise existentielle. Et bien que présent avec ses deux coéquipiers lors de l'enregistrement de Red, il s'obstine à s'enfermer dans un mutisme total en laissant pratiquement carte blanche à Brufford et Wetton pour créer l'album comme ils l'entendent. Cette anecdote est à même d'expliquer la couleur particulièrement lourde du disque, teinte obtenue à partir d'overdubs de guitare qui n'avaient jamais été employés par King Crimson jusqu'à ce jour. Par ailleurs, tout le paradoxe de Red réside dans le fait que Robert Fripp y assoit une influence absolument considérable sur le plan du songwriting, mais qu'il en laisse complètement échapper la réalisation finale. C'est de cette schizophrénie créative que naît ce terrible sentiment d'urgence, cette tension omniprésente et cette force presque irrationnelle qui meut chacun des morceaux du disque. D'autant que le malaise créé au sein du studio par l'attitude incompréhensible de Fripp déteint immanquablement sur un duo d'instrumentistes-producteurs qui sentent bien que King Crimson part complètement en vrille. De fait, un mois après la fin de l'enregistrement, Robert Fripp décide de dissoudre unilatéralement le groupe : il n'y aura donc ni promo, ni tournée pour soutenir cet ultime album des années 70.

Hasard ou coïncidence, Red se construit à peu près comme le séminal In The Court Of The Crimson King : cinq morceaux au total, une pièce introductive bien rentre dedans, suivi d'une composition chantée plus douce, puis d'un morceau aux instrumentations puissantes, d'un long titre expérimental et enfin d'une grande fresque épique. Par ailleurs, l'album se révèle dense et relativement bref pour une composition progressive (44 minutes). Seulement, autant l'antre du roi pourpre se voulait ambitieux, volubile et empli de majesté, autant ce Red se révèle sec, brutal et désespéré. Titre lapidaire, pochette obscurcie révélant trois demi visages marqués par l'épreuve, verso noyé sous une teinte écarlate évoquant une hémoglobine mortifère et orné d'un potentiomètre qu'on imagine virer rapidement au rouge, l'album se pare d'un emballage dérangeant qui suscite crispation et nervosité. Arrive la mise du disque dans la platine, et c'est un nouveau choc. "Red", premier morceau à ouvrir le bad trip, nous cueille par surprise avec ses grands riffs asymétriques distribués par la paire Fripp-Wetton comme autant de successions de directs et de crochets scientifiquement appliqués. Là-dessus, la six corde de Fripp délivre des lignes ascendantes explosant sous le matraquage séditieux de Bruford et exacerbant d'avantage le climat lugubre et oppressant du morceau, climat à peine atténué par un pont doux et malsain au possible. L'évidence est là : ce premier coup d'éclat écrase à plate couture toutes les productions heavy d'une époque pourtant peu avare en bucheronnage. Arrive ensuite le troublant "Fallen Angel", qui nous égare au sein d'une mélodie bucolique rapidement asphyxiée par des constructions sonores plombées et un grand refrain scandé à la face des divinités sur fond de saxophone solaire. Un titre tout bonnement magnifique, qui accroît sa force narrative à partir d'un assemblage impressionnant de styles musicaux, aboutissant à une succession incessante de chaud et de froid qui amplifie en permanence l'émotion dégagée. Du grand art.

Puis vient "One More Red Nightmare", triptyque compact débuté par un empilement de riffs pesants qui se retrouvent malmenés par un déluge de gongs et de cymbales au rendu sonore absolument stupéfiant (au passage, peut-être l'une des meilleures mise en bouche jamais écrite pour un morceau de hard rock). Ce numéro bascule rapidement sur une sorte de tirade pop fouettée en permanence par les lézardements synthétiques du mellotron et piquée par les lignes agressives de Fripp, avant de laisser place à des errements jazzys en apnée. En un mot : génial, ni plus, ni moins. Quatrième morceau du lot, le live "Providence" représente le trait d'union avec Starless and Bible Black, dans cette incroyable improvisation qui monte lentement en puissance, broyant tour à tour guitare, basse, violon et batterie en un maëlstrom poisseux et terrifiant : un morceau difficile, très difficile d'accès, mais révélant des forces d'attraction proprement dérangeantes. C'est alors que le meilleur survient avec le cultissime "Starless", probablement le morceau le plus intelligent et l'un des plus réussis de toute la carrière du Roi Pourpre. Cette composition de John Wetton aurait dû prendre place au sein de l'album précédent (il s'appelait d'ailleurs initialement "Starless And Bible Black"), mais il a été écarté en raison de textes qui n'avaient pas convaincu Robert Fripp. Cependant le titre retrouva bien vite une seconde jeunesse, la mélodie fût retravaillée, les paroles réécrites, et on y ajouta une longue plage instrumentale construite autour d'une ligne de basse de Bruford. Le travail du live fit le reste, et le morceau se trouva perpétuellement modifié durant de longs mois de concerts. Débutant, l'air de rien, sur une mélodie exhalant une mélancolie naïve au possible, le titre se voit bien vite phagocyté par cette fameuse ligne de basse proprement démoniaque qui prépare la rampe de lancement ultime. Car Fripp est là, tapis dans l'ombre, écorchant consciencieusement sa guitare en en faisant jaillir des giclées monorythmiques de plus en plus aiguës qui culminent en un torrent de notes proches du larsen. Puis c'est la chute, brutale, impavide : tout s'arrête, avant que le guitariste sorcier ne fasse crisser ses riffs, tels une craie sur une ardoise, en les emportant dans une terrifiante spirale ascensionnelle qui finit par imploser véritablement sous une kyrielle de saxophones déchaînés nous renvoyant enfin sur le thème initial. Un morceau d'une richesse extrême, point culminant d'un album pour lequel le terme de grandiose serait loin d'être inapproprié.

Beaucoup d'albums pourraient prétendre au titre de plus grand manifeste progressif de tous les temps : The Dark Side Of The Moon de Pink Floyd, Close To The Edge de Yes, ou encore 2112 de Rush (pour ne citer que les plus évidents). Pour autant, l'un des plus sérieux prétendants à ce titre n'est autre que cet album, Red, brillant assemblage de styles aussi antinomiques que le jazz et le hard rock, paré d'une exécution technique irréprochable, fourmillant de trouvailles rythmiques et sonores, et recelant en son sein des perles mélodiques comme on en voit peu. Malgré tout, ce qui fait tout le sel de cet album une fois encore, c'est cette fébrilité, cette nervosité instantanément palpable qui nous projette au delà de la simple œuvre de musique pour nous renvoyer vers le lent délitement d'un groupe qui est allé au bout de ce qu'il pouvait donner et qui a su, par la projection de ces sentiments de frustration et de colère, bâtir un chef d'œuvre intemporel sur les cendres de sa lente agonie. Y a-t-il vraiment quelque chose d'autre à ajouter ?

Commentaires
Soundgarden, le 24/01/2023 à 12:45
Un des sommets voir le sommet du rock progressif et du rock tout court. Même Kurt Cobain le considérait comme un des meilleurs albums de rock.c'est dire,étant donné que le grunge rejetait ces styles musicaux.