Judas Priest
Rocka Rolla
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1- One for the Road / 2- Rocka Rolla / 3- Winter / 4- Deep Freeze / 5- Winter Retreat / 6- Cheater / 7- Never Satisfied / 8- Run to the Mill / 9- Dyning to Meet You/Hero, Hero / 10- Caviar and Meths
Il y eut une première vague à la fin des années 1960, celle de la naissance du hard-rock britannique autour d’une trinité toujours vénérée – Deep Purple, Led Zeppelin, Black Sabbath. Un peu plus de dix ans plus tard émergea la seconde vague – ou New Wave of British Heavy Metal – qui donna naissance au Heavy Metal à proprement parler. Entre les deux, le formations se sont multipliées avec en leur sein deux grands noms qui favorisèrent cette transition, se constituèrent comme une avant-garde : Motörhead et Judas Priest.
Avec un premier album publié en 1974, les futurs dieux de Metal faisaient déjà figure de vétérans lorsque la NWOBHM apparut. En réalité, cette ancienneté se perdait dans les méandres de l’histoire du rock si bien que le groupe faisait presque partie des fondateurs en ayant été créé en 1969/1970.
Bien sûr, les choses ont bien évolué depuis ces premiers temps où K.K. Downing (guitare) et Ian Hill (basse) rendirent hommage à Bob Dylan en choisissant leur nom de scène (depuis "The Ballad of Frankie Lee and Judas Priest") et tournaient dans le secteur de Birmingham pour déployer leur blues et leur hard-rock. Surtout, leur premier chanteur, Al Atkins, est remplacé par le frère de la petite-amie d’Ian Hill, Robert Halford qui officiait dans un combo local de pub-rock depuis 1972 (Hiroshima) et avait déjà circulé dans de nombreux groupes. Il ne manque à Judas Priest que le guitariste Glenn Tipton, intégré à la veille de l’enregistrement de Rocka Rolla pour que celui-ci trouve une forme plus ou moins aboutie : entre temps, à l’aide d’une des formations les plus sous-estimées de l’histoire du hard-rock, Budgie, le groupe s’est exporté dans le reste de l’Angleterre et de l’Europe.
Ceux qui connaissent Judas Priest d’assez loin, ou seulement pour ses grands albums qui firent l’histoire du Metal, seront assez surpris par cet opus introductif. En effet, il est d’une part fortement marqué par le passé pub-rock d’Halford et l’esprit du temps, en témoigne le sautillant et addictif "Rock Rolla" qui pourrait être sorti du répertoire de Dr Feelgood ou d’Eddy and the Hot Rods, même si le côté hard-rock est bien présent. D’autre part, on remarque la face progressive du groupe, trait esthétique relativement présent sur les premiers albums : la suite "Winter/Deep Freeze/Winter Retreat/Cheater" est marquée par l’usage de claviers space-rock ou par des passages bruitistes, "Run of the Mill" est à la croisée du Hard-rock et du prog’ (les arpèges, les claviers solaires, une progression space-rock sur le solo), et "Caviar and Meths" referme l’album sur une touche éthérée.
Les guitares électriques et saturées se tirent tout de même la part du lion, mais peu de titres peuvent se targuer d’annoncer la direction à suivre à l’avenir, si ce n’est, dans une certaine mesure, "Never Satisfied". Il est possible que la mise à l’écart par la production de nombreux titres qui firent le sel de Sad Wings of Destiny (on pense à "(The) Ripper" en particulier), diminua le penchant Heavy de l’album. Néanmoins, celui-ci est bien réel et se dessine sous la coupe de Black Sabbath.
La présence du producteur Rodger Bain, connu pour avoir participé au début de carrière de la bande d’Iommi, n’est peut-être pas étrangère à cette inspiration. "One for the Road" suinte ainsi le Sabbath par tous les pores, du chant d’Halford à l’esthétique générale du titre (notamment la rythmique, et dans la sonorité au niveau des guitares). On pourrait relever cette même inspiration sur la suite hivernale parfois bien pachydermique ou sur "Dying to Meet You" jusque dans ses transitions. On se trouve donc davantage dans le premier âge du Hard-rock que dans l'anticipation de la nouvelle vague.
Rock Rolla peine à donner à Judas Priest sa propre identité, entre hard-rock sabbathien, heavy-prog’ et pub-rock : le groupe est pour l’instant la photographie d’un paysage musical à la veille du punk. Pour autant, on aurait tort de négliger un tel album, où de nombreux riffs font mouche ("One for the Road", "Rocka Rolla", "Cheater" avec son harmonica) et dont les titres sont très réussis. De plus, Rob Halford s’affirme déjà comme un chanteur exceptionnel. Le chemin vers le panthéon du Metal se fit de toute façon pierre par pierre pour ceux qui devaient un jour le régir …