Judas Priest
Jugulator
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1- Jugulator / 2- Blood Stained / 3- Dead Meat / 4- Death Row / 5- Decapitate / 6- Burn in Hell / 7- Brain Dead / 8- Abductors / 9- Bullet Train / 10- Cathedral Spires
Ce n’est pas sans avoir opéré de profonds changements que Judas Priest sort enfin du silence en 1997, sept ans après son dernier chef-d’œuvre, Painkiller. Le départ de Rob Halford en 1993, pour une aventure dans le Thrash-Groove Metal (avec Fight), avait laissé le groupe sans chanteur et la place que celui-ci occupait dans le dispositif du combo rendait son remplacement difficile.
Là où, à la même époque, Iron Maiden avait troqué Bruce Dickinson pour le profil vocal un peu différent de Blaze Bayley, les membres de Judas Priest portent leur dévolu sur l’Américain Tim "Ripper" Owens, plus proche de la tessiture et des capacités d’Halford. Se faisant, ils offrent à l’histoire du rock l'une de ses plus belles pages. En effet, Owens connaissait parfaitement le répertoire du groupe pour avoir été membre d’un tribute-band de Judas Priest et le voici propulsé au poste de chanteur officiel de sa formation fétiche.
Si Owens est capable d’atteindre la puissance et les notes aigues d’Halford, il peut aussi rendre sa voix plus rauque et se rapproche ainsi de James Hetfield : cela tombe bien puisque Judas Priest a également choisi de durcir son approche en adoptant le Thrash Metal, comme pour faire un pied-de-nez au déserteur Halford. Le monstre sur la pochette - mal imprimée et floue - de Jugulator, qui a peut-être inspirée Olivier Ledroit (les berserkers de Requiem, pour ceux qui ont des références dans le neuvième art), illustre cette ambition par son apparence agressive et incisive.
En effet, Jugulator est sans conteste le chapitre le plus brutal de la discographie du groupe, en témoigne le paysage industriel dessiné sur "Jugulator", avec ses arpèges sombres, ses riffs martelés, son chant terrifiant qui commence sur un long hurlement suraigu (sûrement pour rassurer les fans) avant de vraiment ressembler à Hetfield. Ce titre donne la tonalité pour l’ensemble de l’album qui monte en puissance, parfois de façon convenue mais bien faite, à l’image de la gamme thrashy - "Blood Stained", "Death Row", "Decapitate", "Bullet Train", "Brain Dead" - parfois avec des fulgurances comme le simple mais imparable "Dead Meat", le mid-tempo "Abductors" au pont instrumental alambiqué. Le groupe excelle même avec l’hypnotique "Burn in Hell", développant une ambiance à la Rob Zombie sans les sonorités industrielles, et plus encore sur la suite épique "Cathedral Spires", digne des plus belles fresques de Metallica avec toutes les variations attendues pour ce genre d’exercice (dont le pont plus calme en arpèges).
J’espère que plus de vingt-cinq ans plus tard, il soit possible d’affirmer sans être voué aux gémonies que l’ère Owens souffre la comparaison avec certaines œuvres chantées par Halford et qu’elle est même plus qu’honorable. Plus encore que le changement de chanteur, c’est le tournant stylistique qui est l’élément le plus remarquable de Jugulator. S’il peut heurter des fans par son registre Thrash, il faut rappeler que cette évolution n’est pas due à Owens mais bien à l’ensemble du combo – notamment Glenn Tipton et K. K. Downing, deux membres historiques de Judas Priest – et que ce nouveau style est adopté avec brio.
À écouter : "Cathedral Spires", "Burn in Hell", "Dead Meat"