Judas Priest
British Steel
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1- Rapid Fire / 2- Metal Gods / 3- Breaking the Law / 4- Grinder / 5- United / 6- You Don't Have to Be Old to Be Wise / 7- Living After Midnight / 8- The Rage / 9- Steeler
Le jour où l’histoire du rock aura obtenu toutes ses lettres de noblesse pour devenir une matière à part entière dans les milieux académiques (soyons honnêtes, elle a quand même trouvé une petite place dans certains départements d’histoire et de musicologie), il est certain que le sujet "Judas Priest et la NWOBHM (New Wave of British Heavy Metal)" sera reçu comme étant un énoncé classique des partiels.
Il aurait en effet toutes les raisons de l’être. A proprement parlé, Judas Priest précède chronologiquement la NWOBHM ; ayant sorti son premier opus en 1974, le groupe fait partie des quelques grands noms intermédiaires entre les premiers temps du hard-rock (à partir de 1969) et la seconde vague du début des années 1980. En ce sens, la formation a eu une influence incommensurable sur la nouvelle génération dans les évolutions qu’elle proposa au hard-rock initial – plus fort, plus vite, plus brutal, sans compter le renouvellement des techniques vocales d’Halford qui feront le sel de la NWOBHM. Par contre, plus encore qu’un Motörhead à peu près dans la même situation et tout aussi influent auprès des épigones, Judas Priest semble avoir non seulement inspiré mais également emprunté la vague en cours, à peine les premières traces d’écume déposées sur le sable. A l’écoute des albums qui s’étalent entre 1980 et 1984 (soit la chronologie admise pour la NWOBHM), notamment Screaming for Vengeance et Defenders of the Faith, on retrouve de nombreux traits stylistiques qui marquent de nombreuses formations canoniques qui apparurent à cette époque.
Tout le paradoxe du lien entre Judas Priest et la NWOBHM réside ici : si le groupe la précède et lui donne même son impulsion, il adapte son esthétique à l’esprit du temps au point de proposer des albums qui peuvent sans risque se classer dans ce mouvement (qu’on rappelle être largement artificiel et beaucoup plus divers que cette étiquette ne le laisse paraître).
Dans cette histoire, British Steel mérite toute notre attention. En termes de chronologie tout d’abord, puisqu’il paraît en 1980, dans les premiers temps de la nouvelle vague, alors que le groupe est presqu’identique à sa formation de la fin des 1970’s (seul le batteur Les Binks vient d’être remplacé par Dave Holland). Ensuite parce qu’il est un album qui jouit d’un culte compréhensible seulement si on le replace dans ce contexte : loin d’être un opus exceptionnel (surtout à l’écoute de la discographie brillante de Judas Priest) il est plutôt un album sorti au bon moment, en ayant pris les bons angles d’attaque dans la composition.
C’est grâce à de titres comme l'imparable "Breaking the Law", qui pille au punk sa rage et lui offre toute la puissance du Metal naissant : on trouve dans cette hybridation un des plis de la nouvelle vague à peine enclenchée. On a du mal à croire que British Steel fut placé sous le patronage des Beatles (l’album est enregistré à Tittenhurst Park, studio de Ringo Starr longtemps investi par Lennon, encore vivant lors de sa sortie) quand on savoure "Rapid Fire", "Metal Gods" évidemment, qui leur apporte un surnom bien mérité et qui donne surtout certains traits du son priestien des années 1980 tout comme le très bon "Grinder". La mélodicité des soli ("Steeler" est un vas intéressant sur ce point) renforce encore cette appréciation.
De plus, il soigne les aspérités plus accessibles qui lui ouvrent les portes d’un public plus large avec un "Living After Midnight" tellement entraînant qu’il en est devenu un incontournable des concerts depuis. C’est une veine qu’on retrouve sur le refrain stadium de "United" (un titre très quelconque), et qui, personnellement, ne m’a jamais suscité beaucoup d’enthousiasme : il s’agit même sûrement des points faibles de l’album. Néanmoins, elle permet aussi à British Steel d’élargir son audience et le succès du groupe.
A cela, on préférera des pièces plus surprenantes comme "The Rage", où se superposent petit-à-petit les différentes lignes instrumentales, travestissement du reggae derrière des ailes métalliques. Une pépite méconnue, tout du moins souvent négligée, qui a su trouver la voie des oreilles mélomanes de l’auteur de ces lignes. En toute subjectivité, c’est le meilleur titre de l’album.
Etait-il nécessaire de faire croire qu’un gang avait dérobé les bandes originales pour créer un coup publicitaire (véridique) ou de proposer une pochette aussi provocatrice pour que British Steel connaisse un tel destin ? Il semble que non, tant celui-ci épouse parfaitement son contexte de parution. Une nouvelle pierre à l’édifice fabuleux du groupe qui lui permet de se maintenir comme tête de pont malgré le renouvellement de la scène, au point d'atteindre son acmé après une petite erreur de parcours en 1981.