Garbage
Strange Little Birds
Produit par Garbage, Billy Bush, Steve Marker
1- Sometimes / 2- Empty / 3- Blackout / 4- If I Lost You / 5- Night Drive Loneliness / 6- Even Though Our Love Is Doomed / 7- Magnetized / 8- We Never Tell / 9- So We Can Stay Alive / 10- teaching Little Fingers To Play / 11- Amends
On entend partout dire beaucoup de bien sur ce sixième album de Garbage, et on aura tout lu : dépoussiérage, rajeunissement, retour aux sources. On loue une nouvelle maturité, on salue une orientation sobre mais profonde, on vante le renouvellement dont ont su faire preuve Shirley Manson et sa bande de producteurs-musiciens. On va même jusqu’à énoncer des contre-vérités en parlant d’immédiateté et de force mélodique. Après deux mois de tergiversations autour de ce disque voulant faire revivre le post grunge électro-pop, entre attentisme prudent et observation méfiante, l’heure est venue de rendre un verdict.
Ces étranges petits oiseaux de la poubelle américano-écossaise n’ont pas soulevé des masses d’enthousiasme à la rédaction, et on ne saurait trop nous en tenir rigueur. Déroutant, dénué de singles dignes de ce nom (“Empty”, livré en préambule à la plèbe, ne fait que recycler des poncifs mille fois entendus chez Manson & co sans les transcender ni leur apporter une quelconque plus-value), très peu immédiat, long et tarabiscoté, Strange Little Birds ne passionne pas outre mesure, entre un préambule glauque plutôt raté (“Sometimes”) et une conclusion qui n’en finit pas (on a l’impression que le disque s’achève à “So We Can Stay Alive”, mais non, il y a encore deux autres morceaux).
Il faut en fait attendre “Blackout” pour que la sauce commence à prendre, avec de jolies secondes voix teintant le morceau d’une once d’étrangeté, même si le pont balourd entraîne un léger décrochement. Revient ensuite une période flottement (“If I Lost You”, inoffensive balade, et “Night Drive Loneliness”, mi-mordant, mi-lascif avec trop de temps faibles) avant que le disque ne se laisse finalement apprécier. Ce n’est à mi-parcours qu’intervient en effet le réel point fort de l’album, “Even Though Our Love Is Doomed”, classique low-tempo crescendo tout en instabilité, anxiété et tension contenue, avec une Shirley Manson qui puise dans ses tripes de quoi nous sortir de nos gonds. Le reste du disque, après tant de détours alambiqués, se laisse goûter sans trop de gêne, “Magnetized” apportant un peu d’oxygène à ce trip noirâtre - avec une belle bascule tonique à mi-parcours -, “We Never Tell” revenant à un peu de naïveté power pop, “So We Can Stay Alive” jouant la carte des baffes benoîtes de guitare sur fond électro gentillette. Et bien sûr, la (seconde) conclusion apportée par “Teaching Little Fingers To Play” (les doigts collants de sucre candy) et “Amends” (aussi long que sans intérêt, vraiment), ne change plus rien à l’affaire.
Arrive ici l’heure des comptes, car malgré ses atours trop tardifs, Strange Little Birds manque de ce qui faisait le sel de Garbage, de Version 2.0 voire même de Beautifulgarbage : ce mélange de sucre et d’acidité, cette immédiateté pop vicieuse et désanchantée, cette électro revêche et pernicieuse. Vingt ans plus tard, Manson & co ont grandi et ne sont plus capables de nous délivrer leurs odes adolescentes grinçantes, se contentant d’explorer une psyché adulte lourde d’expériences plus complexes mais que la simplicité de la musique de Garbage, technique raz des pâquerettes et arrangements synthétiques en plexiglas, ne parvient justement plus à transcender. Reste un album honnête, se laissant goûter sur la durée mais trop inconstant et pas assez doté en titres forts. C’est dit, et ça fait quand même mal au cœur.