Dim Gray

Certains albums sont capables, dès la première écoute, d'évoquer des ambiances particulières, des lieux ou des saisons. Si nous nous étions il y a peu attardé sur le spleen automnal de Rhys Marsh ou les ballades sylvestres de Jonathan Hulten, c'est plutôt du côté des étendues glacées des Fjords Scandinaves et leur nuancier de gris polaire que nous emmène le trio Dim Gray avec son premier album Flown paru en 2020.

Le groupe formé en 2012 à Oslo se compose d’Håkon Høiberg aux guitares, à la mandoline et au chant, d'Oskar Holldorff au chant, au piano et à la basse et de Tom Ian Rogne Klungland à la batterie. Les trois jeunes Norvégiens ont pris le temps de peaufiner leur premier effort et développent une musique aux sonorités mélancoliques et minérales portée par des guitares cristallines et la voix sensible de Holldorff qui évoque autant les ritournelles mélodiques de Island que les ambiances atmosphériques glacées de Sigur Ròs. L'album narre l'histoire du cheminement solitaire d’un personnage qui cherche à trouver sa voie face à sa propre mélancolie et offre au travers de ce parcours de beaux panoramas sonores et des moments d'émotion en suspension.

Dim Gray varie les atmosphères tout au long des douze pistes qui jalonnent ce premier album avec des ballades au caractère intimiste au piano ou à la guitare acoustique délicate ("Wandering" et "Song for E"), des titres courts expérimentaux noyés d'un brouillard évanescent ("Flown" et "Yore"), des titres pop/rock aux courbes aériennes ("Ráth") et morceaux plus atmosphériques et contemplatifs où surnage l'écho gracieux d'une guitare ("Light Anew", "Black Sun") et où la voix sensible de Holldorff se retrouve prise dans des filets de cordes enveloppants ("Ouroboros").

L’album brille par sa composition et sa production très soignées à l'image du plus-que-réussi titre d'ouverture, "Again" avec sa mandoline romantique et son refrain qui s'envole dans les nuages alors que le protagoniste de la chanson s'enfonce progressivement dans la forêt ("Forest cold / Deep and Old / Pull me in / No one will see me again"). Ne cherchez pas de saturation excessive sur cet album, Dim Gray privilégie la clarté même sur les morceaux les plus énergiques comme "The Wave We Thought We'd Ride Forever" et ses arpèges glacés ou "Dreamer Disease" et son riff central imposant débouchant sur une ambiance de musique folklorique et un final grandiose. La construction des titres est ainsi souvent plus complexe qu'elle n'en a l'air et le trio Norvégien se paye même le luxe de proposer des incursions très réussies vers le prog' avec "Closer" et sa seconde partie sauvage et libérée, où les déferlements de roulements de caisse répondent au chant éthéré de Holldorff (ce qui n'est pas sans rappeler les savoureux dialogues entre Gavin Harrison et Bruce Soord sur l'album Your Wilderness de The Pineapple Thief).

Flown s'avère donc être une première livraison particulièrement réussie, audacieuse et sensible pour un groupe qui affirme déjà sa propre personnalité avec une certaine forme de maturité. Si vous supportez mal les températures actuelles (et ce n'est que le début...), nous ne saurons que vous conseiller de vous rafraîchir Flown est ses mélodies aussi ravissante que glacées.

A écouter : "Again" / "Closer" / "Dreamer Disease"