Coldplay
Moon Music
Produit par Max Martin, Oscar Holter, Bill Rahko, Daniel Green, Michael Ilbert, The Chainsmokers, Ilya
1- Moon Music / 2- Feels Like I'm Falling in Love / 3- We Pray / 4- Jupiter / 5- Good Feelings / 6- Alien Hits / Alien Radio / 7- IAAM / 8- Aeterna / 9- All My Love / 10- One World
Vous l’avez sans doute noté, mais chez Albumrock, nous ne sommes pas des complétistes forcenés. Pour un artiste ou un groupe donné, il y a souvent plusieurs albums qui passent à la trappe et qui échappent à notre plume, la faute le plus souvent à des émoluments pas forcément mauvais mais en tout cas pas très intéressants. Ou par manque de temps des chroniqueurs, également, cf un certain dossier “Les oubliés de 2024” que va très bientôt vous concocter la rédaction.
Concernant Coldplay, il est un fait que le virage mainstream et la grande irrégularité qualitative des productions de Chris Martin and co ne nous a pas poussé à l’exhaustivité. Si certains disques pourraient clairement donner lieu à une diatribe dévastatrice (cf le médiocre salmigondis qu'est A Head Full of Dreams), la réalité rattrape souvent un disque tout simplement moyen, ou pas très intéressant. Cf le pénultième Music of the Spheres, largement oubliable en dehors de ses déjà peu reluisants singles “Higher Power” et “Coloratura”, avec une mention spéciale au duo avec Selena Gomez plutôt raté qu’est “Let Somebody Go”. Pour autant, on se rappellera que Coldplay a réussi à redorer (partiellement) son blason avec un Everyday Life surprenament bon, presque au niveau de X&Y, bien sûr sans ne serait-ce qu’effleurer la classe ineffable de Parachutes et A Rush of Blood to the Head. Dès lors, tenez-vous le pour dit : quand on a affaire à une nouveauté des quatre anglais, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre…
Il en allait de même pour ce Moon Music dont les symboles bizarres qui désignent certains titres et l’artwork céleste de la galette auraient pu rapprocher du mood de son prédécesseur, mais il n’en est rien. Avec ce dixième album studio, Coldplay essaie de synthétiser tous ses allants musicaux en une sorte de patchwork éclaté que le groupe saupoudre de transitions en décalage, un peu comme s’ils avaient voulu faire se télescoper Music from the Spheres (très pop) et Everyday Life (très floydien), mais cela va plus loin car on retrouve ici pour la première fois depuis fort longtemps des colorations musicales qui avaient disparu de leur répertoire, en témoigne notamment la présence de la guitare de Johnny Buckland à la sonorité si caractéristique qui se distille, bien qu’avec parcimonie, tout au long du disque.
Curieusement et assez inexplicablement, le résultat global fonctionne, sans doute parce que le quatuor prend le temps de ménager ses contrastes, de poser ses ambiances, d’attendre qu’un titre s’achève avant d’en entamer un autre. Côté Coldplay à l’ancienne, et nonobstant un enrobage ultra synthétique qui pourrait nous égarer, on ne peut qu’apprécier “Feels Like I’m Falling in Love” que l’on aurait pu raccrocher à X&Y avec un peu plus d’électricité et de corps. Ici, la chanson - plutôt solaire - nous renvoie des vibes positives, déjà servies par la mise en bouche calme et discrète de “Moon Music” avec Chris Martin dans un registre inhabituellement grave - mais ce type-là peut à peu près chanter à toutes les hauteurs, so… “Jupiter” fait mentir votre serviteur quand il pensait que ce même Martin était incapable d’émouvoir à la guitare acoustique - mais la couleur épate ici par sa jovialité, avec des teintes de World Music africaine en outro qui rappellent les pérégrinations alambiquées de Everyday Life. Plus loin, “Good Feelings” se la joue peut-être un peu facile tant on a vu fleurir des tubes typés disco funk un peu rétros ces dernières années (récemment encore : Justice appuyé par Tame Impala), mais le titre se laisse réellement apprécier avec sa basse rebondissante et ses synthés diabétiques, sans doute parce que Martin a le bon goût de ne pas s’abandonner à l’emphase. Si “IAAM” essaie de recoller les morceaux avec A Rush of Blood… , malheureusement avec une garde robe beaucoup trop clinquante (et quelques péchés de paresse) pour convaincre, la sauce reprend là où ne l’attend pas avec “Aeterna”, encore du pur X&Y mais dopé à l’Eurodance rêveuse, et ça le fait, même en considérant son curieux refrain suraigu. Mais Chris Martin peut à peu près chanter à toutes les hauteurs, so… Là encore, la guitare de Buckland y fait des merveilles.
Il y a aussi du moins bon sur Moon Music, mais franchement rien de catastrophique : le moitié hip hop et bourré de feats “We Pray” a le bon goût de demeurer sobre (merci Martin), le quasi instrumental - et très floydien, décidément - “Alien Hits Alien Radio” évite l’ennui d’un chouïa, et la classique balade au piano “All My Love” se vautre sans vergogne dans l’autoplagiat pour un résultat sympatoche mais sans plus… idem pour “One World”, petite comptine évanescente aussi agréable qu’oubliable. Au final, on aurait tort de cracher sur cette dernière livraison de Coldplay : elle ne vole pas bien haut, mais elle s’écoute réellement du début à la fin sans que l’on soit obligé de sauter des titres, et avec quelques bons morceaux de surcroît. Et puis la chaleur ici distillée, tout comme la voix inégalée de Martin, auront tôt fait de balayer vos menues réticences. Bien sûr, on ne vous fera pas croire que l’on tient ici le disque de l’année. Non, rien qu’un plaisir coupable un brin nostalgique… et avouez qu’il y en a de pires.
À écouter : "Feels Like I'm Falling In Love", "Jupiter", "Good Feelings", "Aeterna"