
Blondshell
If You Asked For a Picture
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1- Thumbtack / 2- T&A / 3- Arms / 4- What's Fair / 5- Two Times / 6- Event of a Fire / 7- 23's A Baby / 8- Change / 9- Toy / 10- He Wants Me / 11- Man / 12- Model Rockets


Est ce parce qu’on écoute plusieurs fois un album qu’on finit par l’aimer, ou est-ce parce qu’on l’aime qu’on l’écoute en boucle ?
Pour ce qui est de ce second disque très attendu de Blondshell, 3 écoutes auront suffi à me convaincre. Deux ans après un premier album remarqué, Sabrina Teitelbaum revient avec un disque qui ne change rien ou presque, et c’est une excellente nouvelle. Toujours cette rage sourde, cette nonchalance faussement cool, ce grain indie-rock qui fleure bon les années 90. If You Asked For a Picture, c’est de la mélancolie, et des mélodies qui collent au cœur.
Entre-temps, deux années bien remplies : tournées (essentiellement américaines), un single avec Bully, l’excellent ”Docket”, dont on n’a pas assez parlé, et une participation à un album hommage aux Talking Heads (aux côtés de Miley Cirus, The National, Lorde ou Paramore), via une reprise de “Thank You For Send Me An Angel”. Et pourtant, Teitelbaum n’a rien perdu de son naturel décontracté, voire désabusé, ni de ce charme slacker "girl next door" qui lui colle (très bien) à la peau.
L’album s’ouvre sur une ligne acoustique simple, presque désinvolte. "Thumbtack", pont assumé entre les deux albums, installe d’emblée l’ambiance : voix traînante, rage contenue, désillusion flottante. Premier hook minimal mais imparable, ce “hahaha” à peine esquissé sur le dernier tiers, sur des guitares très Romance (en référence à l’album des Fontaines Dc). On entre ensuite dans le vif du sujet avec "T&A" (pour Tits and Ass), single parfait dévoilé en janvier, entre guitares abrasives et refrain incandescent. Une claque qui rappelle "Salad", son premier single, dans sa manière de griffer sans prévenir.
Musicalement, peu de surprises : la recette reste inchangée. Morceaux courts (souvent sous les quatre minutes), structures classiques, influences clairement ancrées dans l’ADN de l’alternatif US des années 90. Mais cette fidélité formelle est aussi la clé de la cohérence de l’ensemble, et de son pouvoir de résonance pour les nostalgiques de cette époque.
Les thématiques abordées sont toujours aussi lourdes de sens : rapports familiaux dysfonctionnels ("What’s Fair?", "23’s a Baby"), déboires sentimentaux, misogynie insidieuse… Le contraste entre ces propos lourds et l’apparente légèreté des arrangements crée une tension immersive, déjà présente sur le premier opus.
Et quelle science de la mélodie, encore une fois. "Arms", avec sa rythmique à la "Auto-Pilot" des QOTSA, (référence déjà évoquée en 2023) et son mini-break de basse assumé jusqu’à la caricature, s’impose comme un des moments forts. Un peu plus loin, "Two Times" (quel titre encore !) évoque le fantôme de Dolores O’Riordan (sans l’aspect “agaçant” que pouvait revêtir la voix des Cranberries). Piano discret, harmonies vocales légères mais sûres, cordes élégantes : une fausse ballade naïve, mais un vrai joyau.
"Change" n’est pas en reste, avec son riff chaloupé et un groove flirtant avec le meilleur d’Incubus période Morning View. Quant à ”What’s Fair?”, malgré un refrain un peu trop attendu, elle s’inscrit parfaitement dans cette esthétique nineties : quelque part entre Alanis Morissette (en plus abrasif) et Hole (en moins outrancier).
Ce second album ne cherche pas la révolution, mais assume son héritage avec caractère. On peut même légitimement prédire une suite très florissante pour la jeune Californienne, adoubée par les nouvelles stars Fontaines D.C., qui l’ont conviée à Finsbury Park cet été. On attend maintenant une tournée en tête d’affiche chez nous. Il est peut-être temps qu’on se prépare à l’aimer encore plus. Et à l’écouter en boucle, évidemment.
À écouter : "Two Times", "Change", "Arms", "T&A"