Benjamin Gibbard
Former Lives
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1- Shepherd's Bush Lullaby / 2- Dream Song / 3- Teardrop Windows / 4- Bigger Than Love / 5- Lily / 6- Something's Rattling (Cowpoke) / 7- Duncan, Where Have You Gone? / 8- Oh, Woe / 9- A Hard One to Know / 10- Lady Adelaide / 11- Broken Yolk In Western Sky / 12- I'm Building a Fire
Il est toujours difficile de comprendre le désir d’un artiste de réaliser un album sous son nom propre alors qu’il possède déjà la mainmise sur un groupe qui était à la base un projet solo. Difficile, donc, de comprendre pourquoi Ben Gibbard a souhaité se démarquer de Death Cab For Cutie alors que, foncièrement, ce Former Lives trouverait parfaitement sa place entre Transatlanticism et Plans.
Bien sûr, quelques bizarreries pourraient faire tâche sur un disque studio de groupe de rock : polyphonie a capela beach-boysienne ("Shepherd’s Bush Lullaby", petite introduction décalée), invitation de la magnétique Aimee Mann pour un duo plus qu’amplement partagé ("Bigger Than Love", absolument parfait et prouvant que le songwriting de Gibbard se place au delà de sa propre interprétation) ou encore bouffée d’air frais à la frontière de l’americana, tout en cuivres langoureux, guitare sèche et ukulele paradisiaque ("Something’s Rattling (Cowpoke)"). Bien sûr, un album solo semble plus propice à l’introspection et à l’acoustique, en témoignent les perles que sont "Lily" ou encore "I’m Building A Fire" qui démontrent par l’absurde à quel point Ben excelle dans le dépouillement le plus total, y compris lorsque quelques claviers rêveurs et une batterie indolente se surajoutent au tableau ("Lady Adelaide"). La maîtrise de composition et d’arrangement de Gibbard est telle qu’il parvient même à se sortir indemne de l’exercice ultra-casse gueule du slow au piano avec choeurs ("Duncan, Where Have You Gone?") alors que bon nombre se seraient vautrés sans vergogne dans l’emphase larmoyante.
Mais dans l’absolu, aucun de ces morceaux ne dépareilleraient sur un album de Death Cab For Cutie. Ne parlons alors même pas du reste, de ces chansons infalsifiables, de ces coups d’éclats désormais habituels du binoclard de Seattle, de celles qui se trouvent magnifiées par sa voix éclatante et par sa diction traînante et rythmée si caractéristique. Dans ce registre, Former Lives nous livre son lot de pépites pop-rock tour à tour lumineuses et mélancoliques, de "Dream Song" à "Teardrop Windows", de "Oh Woe" à "A Hard One To Know", quatre morceaux que l’on aurait vraiment, vraiment voulu retrouver sur le trop inconstant Codes and Keys. Avec en bonus une petite ritournelle glissant nonchalamment sur une slide pépère, "Broken Yolk In Western Sky", de l’or en barre pour tout amateur de belles chansons.
Ce premier album de Benjamin Gibbard vient à point nommé pour rassurer ceux que les plus récents albums de Death Cab For Cutie (disons, ceux qui ont suivi Plans) ont légèrement refroidi : l’homme reste sans aucun doute possible l’un des tous meilleurs songwriters américain en activité. Devra-t-on dès lors guetter avec avidité les réalisations solo de l’ex mari de Zooey Deschannel (mince, mais comment a-t-il pu la laisser partir ?) alors que Death Cab se contentera de thésauriser sur sa base de fans tout en laissant suffisamment d’espace à chacun de ses membres ? Il est un fait que plus l’implication de Gibbard dans son principal projet diminue, et plus la qualité des airs et des chansons du taxi mortel s’en ressent. De là à ce que Ben Gibbard fasse progressivement oublier son premier groupe à l’avenir, il n’y a qu’un pas que l’on sera heureux d’emboîter... en tout cas tant que la musique en sort gagnante, et c’est bien ce qui se passe ici. De quoi recommencer à rêver à de nouveaux joyaux issus de l’encéphale serein et brillant de cet auteur si attachant.