Bad Religion
New Maps of Hell
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1- 52 Seconds / 2- Heroes and Martyrs / 3- Germs Of Perfection / 4- New Dark Ages / 5- Requiem for Dissent / 6- Before You Die / 7- Honest Goodbye / 8- Dearly Beloved / 9- Grains Of Wrath / 10- Murder / 11- Scrutiny / 12- Prodigal Son / 13- The Grand Delusion / 14- Lost Pilgrim / 15- Submission Complete / 16- Fields Of Mars
Quand on examine l'état de santé du punk-rock californien, on est en droit d'être légitimement dubitatif sur la capacité de ce mouvement, popularisé au milieu des années 90, à survivre à la décennie en cours. Les signes à ce sujet, s'ils sont encore ténus, ont de quoi susciter l'inquiétude la plus vive : Blink 182 a implosé en 2005, The Offspring ne cesse de décevoir depuis 10 ans, Sum 41 semble éternellement abonné aux BO de Teen-Movies, et Green Day se laisse aller à jouer en duo avec U2. Même Avril Lavigne commence à vulgariser le punk-rock... et se permet en plus de vendre d'avantage d'albums que ces 4 groupes réunis !
Ce constat, un brin outrancier je dois bien le reconnaitre, pourrait sembler crédible si l'on s'autorisait à faire sciemment abstraction de Bad Religion . On aurait pu négligemment les oublier, ceci dit. Il faut bien avouer que les précurseurs du hardcore mélodique accusaient une sérieuse baisse de régime depuis une bonne décennie, et que les bougres n'ont jamais aimé briller sous les feux des projecteurs médiatiques. C'est donc toujours sous le label indépendant Epitaph (fondé par Brett Gurewitz, le guitariste principal du groupe) que les bad boys se rappellent à notre bon souvenir, en nous proposant de redécouvrir une musique qui sent bon le cambouis et la sueur au travers de leur dernière réalisation, New Maps of Hell. Tout un programme, surtout quand on connait l'engagement politique du révérend Graffin et de ses sbires. Petit aparté sur un chiffre qui donne le tournis : c'est déjà le 14ième opus de Bad Religion, et ce en 27 ans de carrière !
Dès les premières secondes de l'album, le ton, et surtout le rythme, sont donnés : les guitares fondent sur l'auditeur à une vitesse supersonique qui va perdurer pendant tout le CD, à l'exception notable du single "Honest Goodbye" et de brèves baisses sporadiques ultérieures. On a beau s'y attendre, le choc demeure violent. Après une intro sous tension légèrement étouffée, le riff surpuissant de "Heroes and Martyrs" remplit complètement l'espace sonore : la batterie crépite à tout rompre, la basse ronfle et vibre à la perfection - un poil saturée, avec un volume bien pesé - et les guitares impriment aux titres un tempo tout bonnement délirant, avec une couleur légèrement teintée de métal toujours aussi plaisante. Rien à redire en terme d'énergie, mais la sonorité globale gagnerait à être un poil plus propre. Idem pour la voix de Greg Graffin, encore une fois loin d'être inoubliable, quoique restant juste et bien balancée : elle ferait plutôt penser à un Dave Grohl en petite forme, définitivement éloignée de la gouaille d'un Billy Joe Armstrong. Par ailleurs cette nouvelle mouture reste sans surprise, avec 16 titres express peinant chacun à atteindre les 2 minutes, délivrant encore une fois un bon vieux punk rock mélodique, brutal et enragé, heureusement à mille lieues des errances passées.
Car c'est dans cette veine classique que Bad Religion révèle tous ses atouts : une musique évidemment stéréotypée, forcément redondante, mais aussi terriblement efficace et entêtante. De surcroit, ici, le groupe parvient à retrouver un peu de la hargne de ses débuts, et certains titres - comme "Murder" ou "Germs of Perfection" notamment - sont de véritables perles de fureur brute. La force mélodique des chansons reste d'une constance assez sidérante, mais il est vrai que le recours systématique aux secondes voix et aux chœurs induit un excès de temps forts qui nuit un peu au confort de l'écoute. Malgré tout, plusieurs titres ressortent assez nettement : "New Dark Ages" avec son jeu de batterie hallucinant (alternant rafales de semi-automatique et tirs soutenus de mitraillette lourde) soutenus en alternance par un véritable pilonnage de rotative à la basse, "Requiem for Dissent" avec son riff tonitruant sur les couplets et ses "Re-qui-em" scandés à tue-tête sur les refrains, ou encore "Submission Complete" avec ses guitares pesantes et martiales à souhait. Question textes, Graffin n'a rien perdu de sa verve littéraire et il vous faudra un bon Harrap’s pour saisir toute la subtilité du vocabulaire employé, à moins d'être un anglophone averti. Par contre le ton des paroles est beaucoup plus désabusé et pessimiste que par le passé, le groupe étant passé de la rébellion contre l'establishment, les mœurs politiques ou le pouvoir des élites religieuses, à un constat moribond sur une société américaine en perte de vitesse, par le biais de termes et d'images bibliques nous donnant un petit avant gout d'apocalypse. On n'est pas obligé d'adhérer à ces propos d'une noirceur assez désespérante, mais l'amertume prédomine néanmoins à la fin de l'écoute.
Bad Religion reste l'un des tous meilleurs groupes punk-rock en activité, et leurs nouvelles cartes des enfers confirment assez brillamment, s'il en était encore besoin, toute la vitalité dont est capable de faire preuve ce courant musical. Certes, l'album n'arrive pas à égaler leurs traits de génie du début des années 90, mais il n'en demeure pas moins leur plus beau coup d'éclat depuis de longues années, et il parvient surtout assez aisément à surfer au dessus de la production californienne actuelle. En ces temps de disette punk, passer à côté de ce disque serait certainement une grossière erreur pour les amateurs du genre.